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L’architecture brutaliste : le paradoxe entre la beauté d’une surface lisse, séduisante, immaculée, et ses usages politiques, interprété par Lucile Boutin

by in Exposition

Au cours de son exposition « Bois dormant », Lucile Boutin explore son élément de prédilection, le béton armé. Ses compositions, inspirées d’architectures lourdes, oscillent entre intériorité et immatériel.

Mais d’où le brutalisme tient-t-il ses origines ? Peut-on réellement s’interroger et porter un nouveau regard sur les bâtiments en béton armé ? Décryptage.

Un mouvement d’après-guerre

Lors de la seconde moitié du XXème siècle, les pays européens, affaiblis par les deux guerres mondiales, sont dans l’urgence de reconstruire les villes, si possible rapidement et à moindre coût. Pour ce faire, les pouvoirs publics privilégient ainsi l’utilisation du béton, matériau pratique et peu couteux. Le terme “brutalisme” apparaît : tiré du français “brut”, il désigne l’aspect sauvage et primitif du béton, lorsqu’il est utilisé sans transformation ou fioriture.

Utilisé pour des constructions imposantes et composées de formes géométriques et répétitives, le béton et son omniprésence occasionnent une rupture avec les courants architecturaux antérieurs . Dans le brutalisme, on cherche également davantage de minimalisme.

D’autres matériaux de construction sont incorporés : la brique, le verre ou encore l’acier. La conception des bâtiments laisse par ailleurs apparaître l’intérieur des locaux : en effet, l’une des idées principales du brutalisme est de réunir les fonctions dans les bâtiments, tout en distinguant les espaces les uns des autres.

Un mouvement idéologique

Au delà du mouvement esthétique et architectural, le brutalisme s’inscrit dans de profonds changements sociaux. Il est porté par une utopie sociale d’après-guerre, et devient un emblème de modernité et de progressisme.

En effet, les habitants des bâtiments brutalistes bénéficient d’un confort de vie jusqu’alors inconnu : ils ont accès à l’eau courante et à l’électricité.

Parmi les références de l’architecture brutaliste, on peut par exemple citer la Cité Radieuse de Marseille, imaginée par Le Corbusier en 1952.

La popularité du brutalisme connaît une forte croissance au Royaume-Uni, pays en partie détruit par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale. Les principes brutalistes sont également utilisés lors de la démocratisation de l’enseignement supérieur, qui nécessite alors la construction rapide d’installations.

Le mouvement connaît également une grande popularité en Europe de l’Est communiste.

Le brutalisme décline peu à peu à partir des années 70, bien qu’il continue à inspirer divers architectes encore aujourd’hui.

Mais alors, comment ce courant influence-t-il Lucile Boutin ?

Davantage un élément de travail, plutôt qu’un sujet de prédilection : Lucile s’intéresse à la rudesse du béton et l’attirance qu’il provoque. Elle s’interroge sur l’évocation du pouvoir par ce matériau séduisant, moderne et peu coûteux, mais également sur son ambiguïté.

Dans l’exposition “Bois Dormant”, plusieurs dessins font écho à l’arbre cubiste imaginé par les frères Martel selon des dessins de Robert Mallet-Stevens, en 1925, lors du salon des arts décoratifs. Cet arbre, réalisé en ciment armé, l’un des constituants du béton, permet à Lucile d’évoquer l’artificialité du paysage.

L’exposition “Bois Dormant” par Lucile Boutin, qui allie références architecturales et univers onirique, est visible au sein de la galerie Autour de l’Image, du 25.02.23 au 25.03.23.