Exposition MAGELLAN – Bastien BÜRCHER
11 janvier | 16 h 00 min > 22 février | 19 h 00 min
« L’histoire de Magellan racontée par Stefan Zweig m’a fasciné. Le destin du Portugal, petit pays pauvre de l’Ouest de l’Europe, qui en quelques années devient une grande puissance maritime et démonte la vieille croyance géographique qui assurait le continent africain infranchissable. Fasciné aussi par l’obstination de Magellan devant les difficultés technico-pratiques d‘un tel voyage. Devant les paysages hivernaux de Patagonie, ces étranges feux qui s’allument le soir sur les reliefs et qui donneront d’ailleurs son nom à la “terre de feu”, les riches et paradisiaques îles du Pacifique, Moluques entre autres, pour lesquelles l’Espagne et le Portugal se sont livrés à une lutte sans merci afin de contrôler le commerce des épices. Fasciné devant le destin hors du commun d’Antoine de Pigafetta, jeune noble italien qui, mû par un désir d’aventure, se retrouve être le narrateur du premier tour du monde par voie maritime, etc. Longue est la liste des objets de fascination qui ont alimenté pendant des années mon imaginaire.
Alors quand Thierry m’a demandé si j’avais en tête un thème pour une future exposition, je n’ai pas hésité. J’avais déjà toutes les peintures dans ma tête, il n’a suffi que d’aller à l’atelier pour les réaliser. Les peintures sont sorties naturellement, comme l’eau d’un barrage qui cède d’un coup. Mais je pense que le travail d’un artiste ne consiste pas à empiler des peintures. Il s’agit ici de peindre un bout de notre Histoire commune et c’est précisément la difficulté avec ce sujet, car quelle histoire de Magellan raconter D’autant plus que le voyage de Magellan a été largement utilisé à des fins de propagande. Propagandes colonialistes d’abord, puis nationalistes ensuite dans le Portugal du XXème siècle. De nombreux clichés sont alors à contourner. Je pense à la sexualisation des femmes natives des îles, à l’animalisation des autochtones, à l’héroïsation des faits d’armes cruels des explorateurs souvent mieux armés. Je pense aussi à la supposée supériorité de la culture européenne face aux cultures asiatiques et arabes.
Ainsi, en tant qu’artiste contemporain, il est important à mon sens d’éviter ces représentations stéréotypées qui ont encore aujourd’hui la vie belle. Il s’agit ici pour moi d’un exercice difficile où je dois naviguer entre les stéréotypes picturaux dont je suis aussi inconsciemment pétri ayant grandi dans un monde européanisé. Le livre de Romain Bertrand, “Qui a fait le tour de quoi“ m’a beaucoup aidé dans l’approche moderne de la narration du périple de Magellan. J’espère avoir réussi dans ce corpus d’œuvres à éviter les facilités et produire des images sincères et intimes. Il n’en reste pas moins que l’histoire de Magellan a éveillé en moi le désir primaire et profond d’exploration. Ce corpus d’œuvres aura rempli sa fonction si elle vous invite vous aussi à rêver d’ailleurs, d’espaces inconnus, de terres inhabitées. Si elle
montre la beauté et la richesse des échanges humains et si vous êtes agréablement surpris devant une écriture picturale singulière. »