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Achromatic – Dorothée Richard
27 mars, 2021 | 8 h 00 min > 24 avril, 2021 | 17 h 00 min
Dorothée Richard
(Mars 2021)
Déambulation. Élégances.
Elle est toujours là Dorothée Richard !
Avec ses feutres infatigables, lancinants, facétieux, délicats, sensuels, impatients :
elle est toujours dans l’élégance écarquillée d’un énorme brouhaha silenciaire.
Le mystère, c’est la proximité de son univers, sa capacité à explorer notre intimité poétique. L’autre mystère, c’est la perception onirique de notre solitude, sans tristesse, une solitude ontologique qui plonge le réel dans une abstraction essentielle où retrouver un regard qui échappe à la transaction utilitaire de nos vies.
On pourrait se dire que l’univers qui se déploie sous les feutres de cette artiste est constitué principalement d’une formidable attention aux petits détails qui s’éparpillent anonymement sous nos yeux. J’ai cependant toujours pensé que les dessins de Dorothée étaient hantés par une sorte de quête, par l’étrangeté d’un ailleurs dissimulé dans la fragmentation des couleurs que n’importe quel objet ordinaire peut accrocher sur son dos. Rien d’incompatible avec la légèreté première d’un feutre, on sait confusément qu’un voyage est possible à partir de presque rien.
Ce miroitement impressionniste sur l’élémentaire donne un corps à la couleur comme la lumière élève la matière de sa lourde absence. Un peu comme si la surface du monde était d’abord une profondeur où le regard peut se perdre et retrouver le chemin de sa déambulation ininterrompue, rêverie qui enrichit notre sensibilité souvent affadie, désincarnée par l’exubérance numérique de notre époque.
Un état de veille sensuel et des paysages qui se métamorphosent lentement. Mais, malgré l’attraction d’un rêve éveillé, l’époque s’est invitée dans le travail de notre artiste :
l’éclat de ses tonalités s’est assourdi, la patine du temps a emporté une couche de l’insouciance du monde. Une présence resserrée autour des gris, gris bleu, gris vert, des couleurs de détachement suranné qui jettent un voile délicat sur l’époque déréalisée que nous traversons mais le feu de quelques lisérés furtifs nous en rappellent la source perdue, l’illumination dénudée qui rôde encore à l’avant de nous.
Alors déboussolée, la main de Dorothée Richard ?
La modulation de la taille des touches et des galets donne parfois le vertige. Quand on voit l’abnégation rayonnante des serres tropicales et des plongeurs qui flottent entre deux mondes, les plages hors du temps des îles lointaines qui s’emmêlent à la grâce des contrastes de la Normandie, on se dit que la dépouille de l’émerveillement bouge encore et renforce toute lame de luminosité.
Patience lancinante : de l’inquiétude à la sérénité. Feutres de caractère et d’espaces !
Anthony Burth
Autour de l’Image
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